Accompagner les patients dans la sélection d’outils numériques en santé mentale pendant la pandémie: un projet de démonstration

Lorsque la pandémie a frappé, nous avons décidé de mettre à la disposition de la population un sous-ensemble de nos données pour aider les patients aux prises avec un problème bien plus répandu que l’anosmie en ces temps de pandémie: le stress.

Accompagner les patients dans la sélection d’outils numériques en santé mentale pendant la pandémie: un projet de démonstration

Chez Therappx, nous sommes impliqués dans l‘analyse des outils numériques en santé (ONS) depuis début 2018. Au cours des deux dernières années, nous avons rassemblé une vaste quantité de données continuellement mises à jour concernant la sécurité, la valeur thérapeutique et la pertinence clinique de centaines d‘ONS (plus d’informations ici sur la façon dont nous sommes capables de faire cela).

Lorsque la pandémie a frappé, nous avons décidé de mettre à la disposition de la population un sous-ensemble de nos données pour aider les patients aux prises avec un problème bien plus répandu que l’anosmie en ces temps de pandémie: le stress.

Ainsi, fin mars, nous avons décidé de lancer une plateforme accompagne les patients dans le choix de l’ONS qui correspond le mieux à leurs besoins actuels et à leur réalité, parmi les milliers d’options disponibles dans l’App Store d’Apple et le Play Store de Google.

75 jours plus tard, nous sommes maintenant certains que c’était l’une des meilleures décisions que nous ayons prises depuis le lancement de Therappx.


Disponible gratuitement pour tous les patients qui ont visité covid19.therappx.com, cette plateforme nous a permis d'aider 9592 patients à sélectionner un ONS en gestion du stress en l’espace de 75 jours.

Figure 1. Utilisateurs quotidiens de la plateforme, n = 9592.

Sur ces 9592 patients, 45,4% ont terminé le questionnaire nous permettant d’obtenir des informations afin d’être jumelés par notre algorithme propriétaire à l’un des ONS soigneusement sélectionnés (ex, langue de préférence, appareils disponibles, pays, etc.).

Afin d’avoir une correspondance plus adéquate et sécuritaire, les patients pouvaient nous fournir leur niveau d’anxiété de base (uniquement s’ils le souhaitaient). 882 patients (9,2%) nous ont fourni ces informations et nous ont permis de les contacter quelques jours après avoir visité la plateforme pour évaluer si l’outil auquel ils étaient associés était suffisamment bon pour réduire leur anxiété et leur niveau de stress.

Figure 2. Âge des patients qui ont fourni leur niveau d'anxiété de base, n=882.

Génération de preuves en contexte de vie réelle (RWE) pour soutenir l’approche de soins par étapes

En tant que cliniciens, nous savons pertinemment que même auprès des patients présentant des symptômes de stress léger à modéré, nous devons nous assurer que les auto-soins ou l‘approche de faible intensité apporteront des améliorations suffisantes pour que le patient se sente bien, et ce dans un délai raisonnable. En tant que cliniciens axés sur les données, nous savons également que la meilleure façon d’évaluer cette amélioration consiste à interroger le patient d’une manière rigoureuse et appuyée par la science.

C’est pourquoi nous avons utilisé le questionnaire sur le trouble d’anxiété générale (GAD-7) dans cette situation particulière. Ce questionnaire est régulièrement utilisé par les psychologues et les médecins et peut être réalisé par des patients sans supervision directe (auto-questionnaire).

Nos objectifs ici étaient:

  1. D’éviter l’emploi exclusif d’ONS et d’autres approches d’auto-soins chez les patients dont le niveau d’anxiété était sévère (GAD-7 ≥ 15);
  2. S’assurer que les patients avec des niveaux d’anxiété légers à modérés (GAD-7 ≤ 14) améliorent significativement leurs symptômes en 7 jours ou moins, tel que mesuré par un questionnaire hebdomadaire envoyé par e-mail. À ce moment, nous avons également vérifié que les patients utilisaient leur outil recommandé. S'ils n'atteignaient pas les seuils d'anxiété inférieurs ou n'utilisaient pas l'outil recommandé, notre algorithme propriétaire proposait d'autres solutions au patient. Des soins en personne ont également été recommandés aux patients n'atteignant pas les valeurs cibles.
Figure 3. Répartition des scores GAD-7 (échelle de 1 à 21), n=882.

Ce que nous avons constaté, c’est que parmi les patients qui nous ont fourni leur niveau d’anxiété avant d’être appariés à un outil, 208 patients (23,6%) étaient considérés comme très anxieux et 204 patients (23,1%) nous ont fourni au moins une autre lecture de leur niveau d’anxiété dans les 4 semaines suivantes.

Figure 4. Évolution du GAD-7 au travers du temps (avril 2020), n = 58.

Parmi ceux qui nous ont fourni au moins une lecture après avoir été appariés à un outil, 171 patients (83,8%) ont amélioré leur niveau d’anxiété d’au moins un point sur l’échelle GAD-7, tandis que 53 patients (28,9%) ont réduit suffisamment leur score pour passer d’une anxiété sévère ou modérée à une forme d’anxiété plus légère.

Cela démontre qu’une plate-forme Web comme celle que nous avons créée chez Therappx au début de la pandémie peut être utilisée efficacement pour guider les patients lors du choix d’un ONS, en plus de pouvoir aider les patients à atteindre un résultat souhaitable (réduction du stress) tout en générant du RWE pour supporter l’approche de soins par étapes (stepped care approach).

Les prochaines étapes pour Therappx seront d’étendre cette plateforme à un autre domaine thérapeutique, tel que les problèmes d’humeur. C’est ce que nous ferons au cours des prochaines semaines dans le cadre d’un projet pilote avec le ministère de la Santé (MSSS) et le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI). Nous évaluerons également comment le RWE pourra être utilisé comme moyen d’itérer automatiquement les recommandations faites par notre algorithme. Cette technologie est actuellement soutenue par des services consultatifs et des fonds de recherche et développement du Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada (PARI du CNRC).


Résultats secondaires

1. Le fait de pointer vers un seul outil numérique en santé est trop contraignant pour les patients

Dans le cadre de notre développement centré sur les patients, nous avons fait la réalisation que le fait de mettre qu’un seul outil en évidence après la fin du questionnaire auprès du patient était insuffisant. En effet, pour des recommandations prenant mieux en compte le choix du patient, nous avons décidé de modifier notre algorithme pour offrir à ces derniers un meilleur «match», ainsi que deux alternatives. Cette modification a été bien accueillie par les utilisateurs ultérieurs. De plus, les patients ont estimé que plus de trois recommandations pourrait être trop élevé pour un processus de sélection simple.

Il sera intéressant, dans nos prochaines recherches, d’établir le nombre parfait de choix à proposer aux patients pour une sélection suffisemment centrée sur l'utilisateur, tout évitant une surcharge d'informations.

2. Les données issues de ce service pourraient également être utilisées de façon secondaire par les responsables de la santé publique

Nous avons réussi à rassembler des données qui pourraient être d’une grande aide pour les responsables de la santé publique, spécialement en contexte de pandémie. À titre d’exemple, les niveaux d’anxiété fournis par les patients pourraient être utilisés pour hiérarchiser la priorisation des interventions à déployer dans certaines sous-populations de patients ou certaines zones géographiques identifiées comme durement touchées par le stress.

Figure 5. Niveau d'anxiété par tranche d'âge, n=882.

3. Cette plateforme pourrait être utilisée par les fabricants d’ONS pour recueillir des données sur ce qui est souhaitable pour les patients, entre autres au niveau des fonctionnalités.

Afin d’aider les patients à trouver l’ONS qui correspond le mieux à leurs besoins, nous avons collecté des données sur la popularité de plusieurs fonctionnalités issues du monde de la santé mentale. À titre d’exemple, nous savons maintenant que pendant la pandémie au Canada, les patients ayant des problèmes liés au stress étaient plus intéressés par un outil qui contient une communauté en ligne, plutôt qu’un chatbot.

Ce type de données est, selon nos recherches, non disponible pour les fabricants d’ONS, même si cela pourrait être d’une grande aide pour prioriser les nouvelles fonctionnalités à développer et assurer la pertinence des produits développés.

En résumé

La plateforme et l’algorithme de Therappx ont démontré qu’ils permettent la sélection d'outils numériques en santé efficace et centrée sur les patients en matière d’autosoins pour des problèmes liés au stress et à l’anxiété.